Intention
Décrire la vie quotidienne en Nouvelle-France et établir les conditions auxquelles s'adaptent les colons.
1608 - 1760
Décrire la vie quotidienne en Nouvelle-France et établir les conditions auxquelles s'adaptent les colons.
Pour assurer l’implantation du régime seigneurial, les autorités coloniales comptent d’abord sur les colons qui arrivent d’Europe après une longue traversée de l’océan Atlantique en bateau. Sur ces navires, les colons éprouvent des conditions de vie difficiles durant un voyage qui prend environ de 2 à 3 mois. En mer, les colons s’exposent à plusieurs dangers comme les naufrages, les famines et les maladies liées au scorbut ou à l’insalubrité sur le navire.
La distance et la longueur du trajet parcouru par les colons témoigne de l’éloignement géographique entre la métropole et la colonie. Cet éloignement géographique ralentit autant sur la réception des instructions royales par les autorités coloniales que l’importation des produits finis en provenance d’Europe. À l’inverse, les décisions des dirigeants de la Nouvelle-France tardent à atteindre la France, ce qui fait en sorte que la métropole comprend parfois mal la réalité en Amérique.
En plus des contraintes liées à l’éloignement géographique, les navires doivent attendre la fonte des glaces au printemps avant de s’aventurer dans le fleuve Saint-Laurent, ce qui nuit aux contacts entre la France et la Nouvelle-France. Le climat ne touche pas seulement les déplacements transatlantiques, car les saisons rythment aussi la vie quotidienne des colons, qui s’adaptent progressivement à leur environnement. L’adaptation des colons compte notamment sur l’Église catholique, une institution qui joue un rôle important dans l’encadrement de ceux que l’on en vient à nommer les « Canadiens », qui forment une société de plus en plus singulière.
Lorsque les engagés arrivent en Nouvelle-France et qu’ils s'installent sur une censive, ils défrichent les terres avant de commencer à les cultiver. Ces censitaires doivent travailler environ 10 ans afin d’avoir assez de terres cultivables pour nourrir leur famille, ce qui explique pourquoi plusieurs engagés tentent d’obtenir une terre déjà défrichée ou décident finalement de quitter la colonie. Les colons qui restent en Nouvelle-France à la fin de leur contrat continuent de défricher et de cultiver les terres, mais une partie d’entre eux décident plutôt de se lancer dans le commerce des fourrures en devenant coureur des bois ou voyageurs.
Durant le printemps, l’été et l’automne, c’est donc le défrichement, le travail agricole et la préparation du bois de chauffage pour l’hiver qui rythment le quotidien des hommes et des femmes. Ces derniers font la culture du blé et des légumes afin d’assurer leur subsistance. La récolte permet parfois de dégager un léger surplus qui sert à payer les redevances au seigneur ou à se procurer des produits importés de la métropole comme le tissu, le sel et le vin. Les colons se procurent aussi de l’eau-de-vie, un alcool qui fait partie de leur alimentation quotidienne ainsi que des ressources qu'ils échangent avec les Autochtones. L’élevage de bétail complète la production agricole, auquel s’ajoutent éventuellement des chevaux qui permettent aux colons de se déplacer pour le commerce ou les rassemblements comme les mariages et les fêtes religieuses.
En hiver, les conditions climatiques de l’Amérique du Nord exposent les colons à des conditions de vie différentes de celles des paysans d’Europe. D’un côté, l’hiver ralentit les activités économiques des colons et leur permet de se rassembler plus fréquemment au moment où l’enneigement des champs et le gel des rivières facilitent leurs déplacements. De l’autre, le froid rigoureux accentué par le petit âge glaciaire limite la durée de la saison propice à l’agriculture et peut rendre les colons plus vulnérables à la faim et aux maladies. Les colons s’adaptent progressivement au climat en choisissant des semences d’origine européenne résistantes au froid et en intégrant des semences d’origine autochtone comme le maïs à leur agriculture.
Pour s’adapter à l’hiver, les colons comptent aussi sur des objets autochtones comme les bottes avec des semelles de mocassins, les raquettes et les toboggans. Dans le cas du toboggan, les colons l’utilisent d’abord pour transporter des marchandises à pied, comme le font les Autochtones. Les colons adaptent peu à peu cet objet à leurs besoins en l’attachant à des chevaux, que les autorités coloniales importent d’Europe en plus grand nombre après la mise en place du gouvernement royal. C'est ainsi que les colons transforment éventuellement le toboggan en charrette avec des patins, ce qui leur permet de se déplacer plus facilement dans les champs enneigés et sur les rivières gelées. En ville, les élites coloniales adaptent aussi leurs véhicules au climat de la Nouvelle-France lorsqu’ils transforment leurs calèches en carrioles.
Les coureurs des bois comptent aussi sur les moyens de transport autochtones pour s’aventurer dans la région des Grands Lacs et dans la vallée du fleuve Mississippi. Plusieurs d’entre eux passent donc beaucoup de temps au sein des Premières Nations, ce qui leur permet d’adopter certains éléments des cultures autochtones comme leurs langues, leurs vêtements et leurs tatouages. Des coureurs des bois s'unissent aussi avec des femmes autochtones, ce qui s’avère utile pour établir des relations commerciales et qui entraine un certain métissage entre les Français et les Autochtones. La quête de liberté des coureurs des bois et leur proximité avec les Premières Nations préoccupent les autorités coloniales qui peinent à contrôler les déplacements et les comportements de cette partie de la société coloniale.
Aux 17e et 18e siècles, la foi catholique est au cœur de l’identité des sociétés de la France et de la Nouvelle-France, car la religion est à la base de leur vision du monde et de leurs valeurs. Par conséquent, les colons souhaitent maintenir la présence de l’Église catholique dans leur vie quotidienne et ils ne remettent pas en question le rôle de la religion dans la société. En plus de compter sur le régime seigneurial, l’établissement des colons en Nouvelle-France passe donc par l'implantation de leurs institutions et croyances religieuses.
Sur les plans social et culturel, l’adaptation des colons passe notamment par la demande qu’ils font à l’Église catholique pour constituer des paroisses. Pour les catholiques, la paroisse représente la communauté d’appartenance dont le bâtiment de l’église est le centre. Ce sont d’ailleurs les colons qui construisent l’église de la paroisse et qui sont responsables de son entretien. Au yeux du curé envoyé par l’évêque pour encadrer les paroissiens sur le plan spirituel, cette église représente le lieu de célébration des rites religieux. De nombreux rites encadrent la vie des colons, parmi lesquels comptent la messe du dimanche, les baptêmes, les mariages et les funérailles. De leur côté, les colons utilisent aussi l’église qu’ils ont bâti comme un lieu de rassemblement où l’on peut socialiser avec d'autres habitants et parfois même contester l’autorité du seigneur.
Jusqu’en 1760, l’Église catholique constitue 126 paroisses en Nouvelle-France. Dans chaque paroisse, les curés transmettent aux colons les croyances et les valeurs chrétiennes, ce qui leur permet d’encadrer la société coloniale. En soutenant l'adaptation des colons, l’Église peut donc exercer une certaine influence sur la population de la colonie qui continue de croitre et de se différencier de la population de la métropole. Ce sont d’ailleurs les registres paroissiaux de l’Église qui ont permis aux historiens de mieux comprendre les particularités de Nouvelle-France sur le plan démographique et social. Jusqu’à la fin du 20e siècle, la paroisse représente un cadre territorial, social et culturel qui structure la vie quotidienne au sein de nombreuses communautés de la société québécoise.